L’Académie de Lyon a organisé ce jeudi 11 décembre 2025 un séminaire « journée nationale de la laïcité », auquel les collègues avaient été invitées à s’inscrire depuis le mois d’octobre : « Juristes, philosophes, historiens et sociologues viendront croiser leurs regards pour éclairer les fondements, l’actualité et les enjeux du principe de laïcité » promettait l’intitulé.
La section académique du SNES-FSU de Lyon a immédiatement réagi en découvrant la liste des intervenantes : hormis une historienne, s’y trouvent : un philosophe universitaire aux positions ouvertement opposées aux supposées « idéologie woke », « cancel culture », et prolifération de « l’islamo-gauchisme » dans le monde universitaire et intellectuel, membre de l’autoproclamé « observatoire du décolonialisme » ; un ancien sous-officier de gendarmerie, auteur de « Quand l’islamisme pénètre le sport » (2023), fondateur de Challenges Academia, organisme privé de formation en ligne spécialisé dans les métiers du sport, nommé en 2018 par J.M. Blanquer au « Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République », habitué lui aussi des plateaux et des colonnes de nombreux médias (dont CNEWS et I24tv) ; enfin, un haut fonctionnaire de la République qui, après avoir fait ses études aux côtés de J.M. Blanquer à l’université, a été appelé par ce dernier à le rejoindre comme conseiller spécial, puis comme directeur de Cabinet, avant de s’occuper des questions de laïcité et de discriminations au sein de l’observatoire de la Gendarmerie.
Quand les « regards croisés » sur la laïcité reposent sur trois intervenants sur quatre qui se disent ouvertement proches a minima de la droite « républicaine » et ont été en contact professionnel et/ou politique direct avec J.M. Blanquer, quelle diversité de points de vue peut-on attendre ? Le SNES-FSU de Lyon a donc alerté la Rectrice en amont, obtenant ainsi la garantie d’une tribune en début de séminaire, tandis que l’agitation commençait, avec le soutien d’organisations syndicales, à gagner les rangs de l’ENS où devait se dérouler la journée.
Craignant sans doute des débordements, les services académiques ont multiplié les ordres et contre-ordres à destination des personnels convoqués la veille du 11/12 : délocalisation de l’ENS au rectorat, passage imposé du présentiel au distanciel pour toutes et tous puis retour en présentiel pour environ 20% des participantes, (80 sur 400) au terme d’une « répartition aléatoire » pour assurer « de bonnes conditions et la sérénité ». De même, le premier invité est intervenu en visio, au milieu de dysfonctionnements techniques multiples. Il semble par ailleurs, au vu des remontées des participantes, que consigne ait été passée d’éviter les propos polémiques, vidant la formation de toute véritable réflexion sur la laïcité et ses enjeux contemporains dans le champ de l’éducation.
Si l’action syndicale a donc permis de déjouer la session de formatage univoque initialement prévue, cet épisode montre une nouvelle fois l’importance de la vigilance et de la réactivité face à l’avancée de moins en moins masquée d’idées nauséabondes, qu’elles progressent sous le prétexte de la laïcité ou celui de l’Evars (cf Lift et Stérin).
