Si la classe Prépa-Seconde a été annoncée à grand renfort de communication dans le cadre du Choc des savoirs, l’académie de Lyon constitue depuis une dizaine d’années un vaste terrain d’expérimentations dont la principale finalité reste de pallier les difficultés de l’orientation des élèves fragiles de troisième qui se retrouvent sans affectation parmi leurs vœux exprimés, et qui n’ont pas atteint l’âge de 16 ans.
En effet, chaque année, environ 1200 élèves de troisième se trouvent sans affectation à l’issue de la procédure Affelnet alors même que l’académie de Lyon leur doit une place puisque jusqu’à 16 ans ces élèves sont soumis es à l’obligation d’instruction. Alors que l’on pourrait se féliciter que ces élèves fragiles ne soient pas simplement propulsé es dans des Secondes GT, le compte n’y est pas !
Les solutions proposées relèvent davantage de la gestion des flux et de la volonté de se conformer vaille que vaille au cadre légal que d’une véritable ambition pédagogique pour ces élèves pour lesquel les des moyens supplémentaires auraient dû être débloqués en amont pour leur éviter les voies de garages et les passerelles en forme de ponts de singes.
Les trois principales voies proposées à ces élèves et leurs familles sont ainsi la Seconde GTT et la Seconde F2O qui sont deux expérimentations spécifiques à l’académie de Lyon, ainsi que la Prépa-Seconde. Derrière cette forêt de sigles, il s’agit ici de récapituler ce qui se cache en termes d’organisation pédagogique, pour quel public cible et avec quels débouchés pour les élèves.
1. La Seconde GTT, ou Seconde générale très technologique
Pour qui ? Cette voie s’adresse aux élèves qui ont terminé leur troisième et obtenu leur passage en Seconde, avec ou sans réussite au brevet, mais qui ont des fragilités et une orientation déjà centrée autour d’une voie technologique.
Comment ? Cette voie GTT s’obtient sur Affelnet sous couvert d’un dossier de candidature examiné par les lycées concernés, il comprend un rapide paragraphe de motivations de l’élève mais aussi un encart réservé au collège d’origine qui exprime un avis motivé sur la candidature.
Où ? La voie GTT est présente dans plusieurs établissements, uniquement de l’académie de Lyon : le lycée Edgar Quinet de Bourg-en-Bresse, le lycée de la plaine de l’Ain à Ambérieu, le lycée Saint-Exupéry à Valserhône, le lycée Edouard Branly de Lyon, le lycée Louis Armand de Villefranche-sur-Saône et le lycée Jean Monnet de Saint-Etienne.
Quels apprentissages ? Ces classes sont limitées à 24 élèves contre 35 élèves en Seconde Générale et Technologique. La SES et la SNT sont remplacées par des enseignements technologiques scientifiques, ce qui fait que le volume horaire est le même que celui alloué pour une Seconde GT classique.
S’y ajoutent de nombreuses démarches issues de la pédagogie de projets, avec des phases d’immersion en première technologique (et professionnelle), de stages d’observation professionnelle, de participation à des forums des entreprises, etc.
Quels débouchés ? Les élèves en Seconde GTT se destinent à l’issue de leur année à une première technologique scientifique, essentiellement STL et STI2D, mais aussi possiblement STAV et ST2S. Les élèves peuvent également intégrer une première professionnelle.
Leur poursuite dans ces voies est facilitée par l’obtention d’un bonus sur Affelnet lors de la procédure d’affectation pour les demandes en STL, STI2D et certaines Pro. Des places réservées sont même prévues dans les filières de production.
2. La Seconde F20, ou Seconde Formation à l’Orientation Ouverte
Pour qui ? Cette voie s’adresse aux élèves qui ont terminé leur troisième et n’ont pas obtenu leur passage en seconde générale, avec ou sans réussite au brevet, mais qui ont obtenu un passage en Seconde professionnelle malgré leurs fragilités et qui ont une orientation qui reste largement à (re)travailler.
Comment ? Cette voie F2O s’obtient sur Affelnet sous couvert d’un dossier de candidature examiné par les lycées concernés, il comprend un rapide paragraphe de motivations de l’élève mais aussi un encart réservé au collège d’origine qui exprime un avis motivé sur la candidature.
Où ? La voie F2O est présente dans plusieurs établissements, uniquement dans l’académie de Lyon : le lycée Joseph-Marie Carriat de Bourg-en-Bresse, lycée La Martinière Diderot de Lyon, le lycée Albert Camus-Sermenaz de Rillieux-la-Pape et le lycée Colbert de Lyon.
Quels apprentissages ? Ces classes sont limitées à 24 élèves contre 35 élèves en Seconde Générale et Technologique. La grille horaire est largement laissée à l’appréciation des équipes pédagogiques, de même que l’organisation de l’année et les modalités d’évaluation, si bien que la structure sert généralement de variable d’ajustement pour l’organisation des services (un enseignement scientifique ou pas, une LVB ou pas...). Le volume horaire alloué dans la DHG est inférieur à celui des classes de Seconde GT (29h seulement au lieu de 38.5) : il s’agit donc d’une structure au rabais.
S’y ajoutent de nombreuses démarches issues de la pédagogie de projets, avec des phases d’immersion en première professionnelle et technologique, de stages d’observation professionnelle ou en PAFI, de participation à des forums des entreprises, du tutorat et de l’aide aux devoirs, etc.
Quels débouchés ? Les élèves en Seconde F20 se destinent essentiellement à une première professionnelle à l’issue de leur année mais peuvent aussi prétendre à une première technologique, aussi bien STMG que STL et ST2S, plus marginalement la STI2D ou la STAV.
Si au départ ces élèves avaient un bonus pour certaines Secondes professionnelles, celui-ci a été supprimé au profit de logiques « ascendantes » (sic, et pour économiser une année de scolarité) qui privilégient les premières professionnelles, notamment vers les filières de production.
Leur poursuite dans les voies technologiques est facilitée par l’obtention d’un bonus automatique sur Affelnet lors de la procédure d’affectation pour les demandes en STL, STI2D et certaines Pro. Des bonus peuvent être mis en place pour des demandes dans d’autres filières technologiques.
3. La Prépa-Seconde, ou Classe préparatoire à la Seconde GT et Pro
N’étant pas une expérimentation pédagogique mais un dispositif national, cette classe est la seule à bénéficier d’un (relatif) cadrage institutionnel décliné sur le site de l’Education Nationale ; il s’appuie sur le Décret n° 2024-229 du 16 mars 2024, ainsi que l’Arrêté et la Note de service du même jour.
Pour qui ? Cette voie s’adresse aux élèves qui ont terminé leur troisième et obtenu leur passage en seconde, mais sans réussite au brevet et qui, sur la base du volontariat pour cette rentrée 2024, demandent à faire une année intercalaire avant d’intégrer leur seconde GT ou professionnelle, voire GTT ou F2O...
Si ces élèves ont la possibilité théorique de s’inscrire en candidat es libres au brevet des collègues, c’est largement un leurre puisque les programmes de la Prépa-Seconde ne sont pas ceux de la classe de troisième, ce qui obligerait des élèves déjà en difficulté à faire deux années en une !
Comment ? Cette voie Prépa-Seconde s’obtient en parallèle d’Affelnet sous couvert d’un dossier de candidature examiné par les lycées concernés, il comprend un rapide paragraphe de motivations de l’élève mais aussi un encart réservé au collège d’origine qui exprime un avis motivé sur la candidature.
L’affectation en Seconde obtenue sur Affelnet en classe de Seconde GT ou Professionnelle est gelée durant cette année et conservée dans l’établissement d’affectation : l’élève n’est pas là pour travailler une orientation comme en F2O mais pour s’y préparer au regard de ses fragilités. Il peut toutefois faire de nouvelles demandes d’orientation si son projet a évolué.
Où ? La voie Prépa-Seconde est présente dans plusieurs établissements de l’académie de Lyon dont le lycée Jean Perrin de Lyon, le lycée Joseph-Marie Carriat de Bourg-en-Bresse, le Lycée professionnel Pierre Desgranges et le lycée François Mauriac d’Andrézieux-Bouthéon.
Ces classes sont présentes depuis la rentrée 2024 dans chaque département du pays et elles auraient vocation à se multiplier pour accueillir tous les élèves qui ne décrochent pas le brevet, sans la possibilité pour eux de le valider à l’issue de cette année.
Quels apprentissages ? Ces classes sont limitées nationalement à 25 élèves maximum contre 35 élèves en Seconde Générale et Technologique ; l’académie de Lyon les a plafonnées pour la rentrée 2024 à 20 élèves. Les premières remontées académiques montrent que les effectifs restent bien en-deçà pour cette rentrée 2024.
La grille horaire est constituée de 20H de tronc commun disciplinaire auxquels s’ajoutent 7H d’« enseignements méthodologiques et préparatoires à la Seconde GT ou Pro » (sic) . Là encore, les remontées de terrain montrent de fortes disparités dans les grilles horaires des différents établissements, et l’impossibilité, dans la plupart des cas, d’offrir les « enseignements artistiques » prévus au B.O.
S’y ajoutent de nombreuses démarches issues de la pédagogie de projets, avec des phases d’immersion en première technologique, de stages d’observation professionnelle, de participation à des forums des entreprises, du tutorat et de l’aide aux devoirs, etc.
Quels débouchés ? Les élèves en Pré-Seconde se destinent théoriquement à toute poursuite d’étude mais en Seconde et non en Première comme en GTT et en F20, c’est donc une année supplémentaire faite par des élèves qui ont obtenu une place en Seconde sur la base du volontariat. Sans surprise, les candidatures n’ont pas abondé dans ces conditions…
Les classes de Prépa-Seconde ouvrant à la rentrée 2024, il n’est pas encore possible pour le SNES-FSU de faire un bilan de la réalité de l’orientation de ces élèves ; dès que l’année sera achevée, nous mettrons à jour cet article pour vérifier ou infirmer ce que nous craignons, à savoir des classes de réorientation vers des filières en déficit, voire une sortie du système scolaire.
4. Quelle analyse du SNES-FSU, notamment à Lyon ?
La Prépa-Seconde a fait l’objet d’une analyse détaillée par le SNES-FSU au niveau national dont il est possible de consulter les grandes lignes dans son article « Classe préparatoire à la classe de 2nde, c’est non ! » sur le site national. A tous les égards, ces classes ont tous les défauts des classes expérimentales de l’académie de Lyon.
En effet, c’est d’abord la mise en place d’un lycée du tri social où seul es les élèves des classes (très) populaires sont envoyé es, comme ont pu le constater les secrétaires de section dans les établissements accueillant les GTT et les F2O : nous sommes donc face à un système qui entérine les inégalités à son profit plutôt qu’il ne cherche à les corriger.
Ce sont des filières créées au profit des entreprises, notamment de l’industrie et de la production dans l’académie de Lyon, puisqu’il s’agit à peu de frais d’orienter des élèves dans les filières technologiques de productique et dans les filières STL et STI2D en priorité. Il s’agit d’une orientation biaisée et conditionnée aux besoins d’un tissu industriel qui utilise les moyens du Service Public pour s’éviter d’avoir à promouvoir ses filières sur ses propres deniers et de s’interroger sur les causes de leur manque d’attractivité.
Ce sont également des filières de réduction des coûts pour l’Education Nationale qui fait des économies de moyens sur les élèves les plus défavorisé es qui, non seulement ne redoublent pas ni ne reçoivent en amont des aides supplémentaires pour se mettre à niveau avant que le décrochage ne soit trop accentué, mais surtout intègrent des classes sous-dotées horairement par rapport aux classes de Seconde classiques.
Pire, une partie de ces heures peut être convertie en HSE ou IMP pour accompagner la pédagogie de projet qu’elles promeuvent en réduisant encore le temps de classe de ces élèves afin de nourrir l’injonction aux projets chronophages pour les équipes pédagogiques qui doivent arbitrer entre être (mal puisqu’en HSE) payées pour les mener ou bien priver les élèves d’heures de cours déjà réduites.
La tentation est d’autant plus grande que ce sont des classes souvent très compliquées à gérer, entrainant une surcharge de travail considérable pour les équipes de vie scolaire, de MLDS-PSyEN et de direction, mais surtout pour les collègues qui doivent multiplier les rapports, les suivis éducatifs, les aides et autres démarches, d’où un immense turn-over des équipes constaté sur la F2O notamment.
Face à cette situation, les PP de ces classes sont souvent amené es à se partager l’ISOE modulable pour ne pas faire front seul es alors même que la charge de travail est, même ainsi divisée, au moins celle d’un e professeur e principal e à plein temps d’une autre classe. Nous ne parlons même pas pour les PP des difficultés à impliquer les familles dans le suivi de ces élèves au regard de l’arrière-plan social majoritairement défavorisé.
Le SNES-FSU de Lyon revendique ainsi l’abolition de ces dispositifs de relégation en faveur d’une politique ambitieuse à l’échelle nationale et académique concernant nos élèves qui constituent l’avenir de notre pays. Il exige notamment le passage à effectifs dits réduits de toutes les classes de l’enseignement public, le respect des grilles horaires d’enseignement pour tous les élèves, ainsi que la fin du pilotage pédagogique au local au détriment des programmes nationaux.