Les décrets 2019-1593 et 2019-1596 du 31 décembre 2019 permettent la mise en œuvre de la rupture conventionnelle en application de l’article 72 de la loi du 6 août 2019 dite de transformation de la fonction publique. Ces décrets fixent la procédure, encadrent le montant de l’indemnité et suppriment l’IDV pour reprise ou création d’entreprise.
I. HISTORIQUE
Les députés ont voulu mettre dans le statut de la Fonction publique une disposition qui existe dans le droit du travail depuis 2008 (loi 2008-596 dite de modernisation du travail).
Ils introduisent ici une nouvelle disposition du code du travail qui ne correspond en rien au statut des fonctionnaires car, même si cela est très relatif dans le privé, le fonctionnaire n’est pas dans une position égale à celle de l’État du point de vue de ses conditions de travail, d’emploi et de rémunération. Toute la procédure de « rupture conventionnelle » est ensuite guidée par ce qui est en œuvre dans le privé.
S’agissant des fonctionnaires, la procédure de rupture conventionnelle est, pour l’instant, limitée dans le temps et prendra fin au 31 décembre 2025 (12e alinéa de l’article 72 de la loi 2019-828 dite de transformation de la Fonction publique). Une évaluation du dispositif, portant notamment sur le nombre de fonctionnaires couverts par ce dispositif et sur son coût global, doit être présentée au Parlement un an avant son terme.
II. La mise en œuvre .
Voilà un exemple de décret d’application qui va plus loin que la lettre de la loi, sans toutefois dépasser les limites. .
Le texte de la loi (art. 72 loi 2019-828) dit « I.-L’administration et le fonctionnaire mentionné à l’article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée [...] peuvent convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. La rupture conventionnelle, exclusive des cas mentionnés à l’article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. ». Il s’agit donc ici d’une convention en commun, mais rien n’est dit sur qui prend l’initiative de cette rupture conventionnelle..
Mais le décret, dès son article 2, introduit une nouvelle dimension : « La procédure de la rupture conventionnelle peut être engagée à l’initiative du fonctionnaire ou de l’administration, de l’autorité territoriale ou de l’établissement dont il relève. ». Ainsi le fonctionnaire et son administration sont mis sur un pied d’égalité puisque chacun peut décider d’engager la procédure..
III. La procédure
- Sont concernés :
- Les fonctionnaires, à l’exception des stagiaires, des fonctionnaires ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et justifiant d’une durée d’assurance leur permettant d’obtenir une pension de retraite au pourcentage maximal, et des fonctionnaires détachés en qualité d’agent contractuel.
- Les agents recrutés en CDI
- La rupture conventionnelle ne peut être imposée, ni à l’agent ni à l’employeur.
- Compte tenu des différents délais imposés dans la procédure, il ne peut s’écouler moins d’un mois et demi entre la réception de la demande et la cessation définitive des fonctions pour un fonctionnaire ou la fin de contrat pour un contractuel. La demande de rupture conventionnelle peut être à l’initiative de l’agent ou de l’employeur.
- Les étapes de la demande (cliquer sur le logo) : (réservé aux syndiqué.e.s)
Etre conseillé.e, accompagné.e et defendu.e par le SNES
La nouveauté par rapport à l’IDV est que le décret prévoit que l’agent peut être accompagné par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative lors de l’entretien préalable.
Contactez-nous immédiatement : s3lyo@snes.edu / 04.78.58.03.33
IV. Montant de l’indemnité
Le montant de l’indemnité, calculé en douzièmes de traitement brut de l’année civile précédant la rupture conventionnelle, est encadré comme l’indique le tableau ci-dessous (cliquer sur le logo). (réservé aux syndiqué.e.s)
L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est exonérée de l’impôt sur le revenu ainsi que de la CSG si son montant n’excède pas 82 272 €.
En plus de l’indemnité spécifique, la rupture conventionnelle ouvre droit aux allocations chômage.
V. Quid de l’Indemnité de départ Volontaire ?
En 2008, l’IDV pouvait être accordée dans trois situations : restructuration du service, création ou reprise d’entreprise, ou pour mener à bien un projet personnel. En 2014, la troisième possibilité a été supprimé.
Avec la création de la rupture conventionnelle, c’est l’IDV pour création ou reprise d’entreprise qui est supprimée. Ne subsiste donc à partir de 2020 que l’IDV en cas de restructuration de service.
Le plafond de l’IDV est fixé à 1 mois de traitement brut par année d’ancienneté dans la limite de 24 années. Le montant de l’IDV est modulé en fonction de l’ancienneté : entre 0 % et 25 % pour moins de dix ans d’ancienneté ; entre 25 % et 50 % pour dix ans d’ancienneté et plus.
À la différence de l’indemnité de rupture conventionnelle, en grande partie exonérée, l’IDV est soumise à l’impôt sur le revenu ainsi qu’aux prélèvements sociaux et, sauf cas particuliers (suivre conjoint), la démission dans le cadre de l’IDV n’ouvre pas droit à chômage.
VI. Ce qu’en pense le SNES
Pour le SNES-FSU, l’introduction de cette disposition, importée du privé, dans la Fonction publique, est un élément du plan visant à « accompagner » l’objectif initial de suppression de 120 000 emplois d’ici 2022 ramené à 80 500 l’an dernier.
Certes, la rupture conventionnelle ne peut être imposée, ni à un fonctionnaire, ni à un contractuel en CDI, mais, dans un contexte de dégradation des conditions de travail, de renforcement des pouvoirs de nuisance des hiérarchies locales et d’affaiblissement des garanties collectives et du paritarisme qui seul peut les faire vivre, l’introduction de la rupture conventionnelle est un élément majeur d’accroissement du risque de harcèlement visant à pousser des collègues vers la sortie. Et ce a fortiori du fait que la rupture conventionnelle peut être proposée par l’employeur.
L’objectif poursuivi par le gouvernement est clairement de faciliter le départ d’agents et de s’exonérer de tout travail sur les causes qui poussent certains collègues à vouloir quitter la Fonction publique.
Pour le SNES-FSU, il faut d’abord traiter la question des conditions de travail et répondre aux besoins de mobilité professionnelle comme géographique des agents. Ce dispositif n’y répond pas. Il faut permettre à celles et ceux qui le souhaitent de changer de métier au sein de l’Éducation nationale et/ou de la Fonction publique via le congé mobilité par exemple. Cela implique une politique de formation qui ne se limite pas à la prise en compte des besoins de l’institution mais prenne réellement en compte les besoins et les souhaits des agents.