Entretien avec Sabrina GHEFSI (aide-soignante) Responsable du Collectif EHPAD CGT, USD DU RHONE
Sabrina travaille au Centre Hospitalier Gériatrique du Mont d’Or à Albigny, Il y du Sanitaire et de l’EPHAD, c’est le 2e établissement gériatrique de la Métropole.
La Bienveillance, synonyme de bien-traitance est en chacune de nous, dit Sabrina. Par contre les salariés subissent une grande maltraitance institutionnelle (les sous effectifs, salaires bas et conditions de travail difficiles, les CDD à outrance).
Dans ses missions de syndicaliste, les témoignages qu’elle a recueillis auprès de salariés qui travaillent dans le public, le privé et l’associatif, abondent.
Un soignant prend en charge jusqu’à 15 résidents, ce qui implique une prise en charge dégradée. Chaque intervention est minutée : une fiche de poste définit le temps pour chaque tâche (15 mn pour la toilette, 30 mn pour la douche), le soin relationnel n’y est pas pris en compte, donc non quantifié, seules les tâches à effectuer le sont ; la relation et la communication avec les résidents sont insuffisantes et si les personnels soignants le disent, on leur rétorque que ce n’est pas une question de moyens mais d’organisation !
Actuellement dans le service où travaille Sabrina, il y a 1 soignant pour 10 personnes. Avant il y en avait 1 pour 6 ou 8.
Il arrive qu’il y ait aujourd’hui 2 aides-soignants pour 50 résidents dans certains établissements.
Parmi les soignants il y a beaucoup de « faisant fonction » qui n’ont pas les diplômes requis pour réaliser le travail de l’aide-soignante. Cela représente plus de 50 % de l’effectif soignant et elles sont moins bien payées. Les écarts de salaire entre une aide-soignante et une faisant fonction peuvent aller jusqu’à 300 euros.
Les établissements privés ne récupèrent en général que des GIR 4, 5 et 6 (les personnes les moins dépendantes) alors que les GIR 1 et 2 sont pris en charge par les établissements publics qui accueillent tout le monde. S’y ajoutent les personnes qui reçoivent l’aide sociale et n’ont pas les moyens de payer le reste à charge souvent très élevé. Le CEPOM (Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens) donne un budget sur 5 ans, enveloppe globale allouée pour le fonctionnement de l’établissement, sans revalorisation qui prenne en compte au fur et à mesure la dégradation et les besoins des résidents.
Au niveau des personnels de moins en moins de jeunes sont attirés par le métier et la formation proposée.
Dans les écoles, ces 3 dernières années, les classes n’ont pas été remplies et il y a 30% d’abandons dès le premier stage.
Pour pallier le manque de personnel, les employeurs mettent en place des organisations de travail avec des horaires qui correspondent aux besoins des établissements, et ne prennent pas en compte la qualité de vie au travail des salariés ni le bien-être des résidents.
Par exemple, deux équipes, chacune en 12h ou 10h (1 jour et 1 nuit), travaillent sans jamais se croiser.
La journée de travail est donc passée de 7h à 12h ou 10h.
Avec toutes les conséquences sur la santé sur le long terme et la perte de vigilance au travail. Ce système remet en cause le temps de travail, donc les 35 heures : perte des RTT, perte sur les congés maladie, sur les congés annuels. Cela a pour conséquence un épuisement professionnel, un impact sur la vie personnelle et familiale, ainsi que la réduction des effectifs.
Depuis le passage à l’informatique les transmissions se font sur ordinateur, leur qualité n’est plus la même et provoque une perte d’informations qui est pourtant essentielle pour le suivi du malade.
La notion de « collectif au travail » disparaît. Il y a de moins en moins de contacts entre les équipes (jour/nuit).
La « maltraitance institutionnelle » des résidents est en grande partie due au manque de personnel, et au recours à la sous qualification.
Ces salariés sans diplôme tentent la validation des acquis de l’expérience (VAE), ce qui est très difficile pour des personnes souvent éloignées du système scolaire, et qui n’ont pas de temps à y consacrer.
La tension est telle qu’il y a plus d’accidents du travail, de cas de maladies professionnelles chez les soignants que dans le bâtiment. Accidents dus aussi au manque de matériel et de formation à son utilisation.
Les conséquences de ces maladies professionnelles conduisent à l’inaptitude, sans possibilité ou volonté de reclassement de la part de l’employeur. Quand on fait partie de la fonction publique on peut obtenir une retraite pour invalidité (mais avec quelle pension !), dans le privé on est simplement licencié avec indemnité de licenciement et droit au chômage. Voilà la réalité des soignants exténués par ce travail.
La durée de carrière d’une aide-soignante est comprise entre 10 et 15 ans.
Quelles relations avec les familles ?
Elles sont essentielles. Il y a de belles choses entre les familles, les résidents, et les personnels. Mais les dysfonctionnements institutionnels, le manque de personnel, l’insuffisance des soins, entraînent une augmentation des plaintes des familles et des résidents.
Revendications de la CGT :
*200 000 postes de soignant.es doivent être créés. (en plus des agents techniques, de cuisine, administratifs) pour arriver à un soignant pour un résident.
*Un plan massif de formation qualifiante.
*2000 euros bruts mensuels au minimum avec reclassement des postes en inaptitude et facilitation de la reconversion professionnelle.
*Sortir la santé et la perte d’autonomie de la marchandisation. Pour le 100% sécu des soins prescrits et la prise en charge de la perte d’autonomie dans la branche maladie
*Nationalisation des EPHAD à but lucratif.