Réforme de l’éducation prioritaire reportée…
Une victoire : La FSU a encore une fois été reçue le 24 novembre 2021 par la secrétaire d’Etat à l’Education Prioritaire, Nathalie Elimas. Mais, cette fois, le Ministère qui avait pour projet la délabellisation des REP à la rentrée 2022 recule enfin : la carte des REP est maintenue pour la rentrée 2022, malgré l’annonce d’une réforme de l’Education Prioritaire depuis 2 ans ! (cf. les Etats Généraux de l’Education Prioritaire organisés en janvier 2021 à Lyon : https://lyon.snes.edu/Bilan-des-Eta...) Ce label qui garantit la reconnaissance des conditions de travail et d‘étude dans les établissements labellisés est essentiel. Le SNES-FSU défend ce label car délabelliser les REP serait permettre à chaque académie de modifier ses priorisations en fonction des enjeux politiques locaux, à l’inverse d’une carte nationale construite sur des critères transparents. Les moyens des REP pourraient être ponctionnés pour financer des problématiques différentes de celles qui relèvent d’une concentration d’élèves en grande difficulté sociale et scolaire, mais aussi pour financer davantage des établissements privés sous contrat ou ruraux. L’indemnité des enseignant.e.s de REP qui continueraient pourtant à travailler dans des conditions difficiles serait aussi remise en cause, ainsi que les bonifications afférentes. Nous ne sommes pas dupes du dessein électoral de cette décision, mais le SNES-FSU se félicite d’avoir pour l’instant été entendu quant au report de cette dévastatrice réforme de l’éducation prioritaire.
…mais la vigilance reste de mise face aux expérimentations du Ministère !
Car, bien qu’il n’y ait pas de généralisation des Contrats Locaux d’Accompagnement (CLA) à la rentrée 2022 (ce sera pour 2023 !), un élargissement à d’autres académies (Lyon ?) semble se profiler (annonces en janvier 2022). Des CLA sont actuellement (et ce depuis la rentrée 2021) proposés à titre expérimental dans les académies d’Aix-Marseille, Lille et Nantes (l’évaluation de l’expérimentation commencerait en décembre 2021). Sélection sur appel à projet ou sollicitation directe par les IA-DASEN, les établissements sont priés de ficeler des projets express. Ils ont en commun d’être proches des critères de l’Education Prioritaire (EP) ou d’avoir été classés avant 2014 pour les lycées, la ruralité pouvant aussi jouer.
Le CLA était censé s’accompagner d’un abondement des moyens. L’expérimentation est pourtant à coût constant dans un contexte général de suppressions d’emplois dans le second degré, la poignée d’heures promise n’est donc provenue que d’une redistribution entre établissements.
Or, le Rectorat de Lyon (plus précisément la DSDEN du Rhône) s’inspire déjà des CLA pour redistribuer la marge d’heures conservée entre les DHG prévisionnelles et le constat de rentrée. En effet, cette année, cette dotation a été de volume variable, en HSA majoritairement, et conditionnée à la remontée de projets par les chef.fe.s d’établissement. Or les collègues ont rarement été consulté.e.s, voire informé.e.s des ajustements de DHG en juillet. Ce dispositif concerne donc aussi des établissements à la marge de l’éducation prioritaire. La contractualisation met à mal, de fait, le concept même de réseau puisque chaque unité éducative devra passer un contrat avec le rectorat (écoles, collèges voire lycées). S’il n’y a plus de réseau alors c’est qu’on ne pense plus l’ensemble de la scolarité de l’élève mais qu’on la considère de façon ponctuelle comme relevant ou non de l’éducation prioritaire. Cela a déjà commencé en 2014 lorsque les lycées ont été exclus du label. Par ailleurs, le contrat fait entrer dans une logique d’objectifs et de résultats avec mainmise du rectorat sur le projet d’établissement et les pratiques pédagogiques, renforçant la pression sur les personnels et la concurrence entre établissements. Plutôt que de développer les collectifs de travail, cela renforce la concurrence entre les personnels comme entre les établissements. Les critères pour obtenir un CLA ne sont pas transparents et la pérennité de ces moyens n’est pas assurée. La logique des CLA préfigure les nouvelles orientations du ministère. L’allocation progressive de moyens pourrait bien être d’abord soumise à la signature d’un CLA. Les personnels subiront un pilotage vertical à base d’indicateurs, qui les culpabilisera si les objectifs ne sont pas atteints. Une telle ambiance empêchera un réel travail de fond en équipe pour la réussite des élèves. L’évaluation induite renforcera la concurrence des établissements. Ce fonctionnement correspond en tout point à l’expérimentation des contrats locaux d’accompagnement (CLA) alors que l’académie de Lyon n’a pas été retenue pour la mettre en place. Ce rectorat zélé démontre combien les CLA sont néfastes à la politique d’éducation prioritaire : pas de projet, pas de moyens !
C’est pourquoi le SNES-FSU appelle à ne pas entrer dans cette démarche, dont les objectifs sont, une fois de plus, la mise au pas des équipes, auxquelles l’administration fait miroiter quelques moyens sans garantie de pérennité. Les CLA ne répondent en rien aux besoins de l’EP, qui demande de l’investissement sans pour autant corseter les équipes. Il est possible de refuser ces contrats, notamment en exigeant l’accord préalable du CA. En effet, l’article D314-4 du code de l’éducation précise clairement que cet accord doit être reçu pour les expérimentations engagées au niveau national dont le ministère a défini les grandes orientations.
En outre, cette réforme s’annonce destructrice entre foisonnement de labels et « contrats clé en main » pour les rectorats et chef.fe.s d’établissement. Les cités éducatives, et leur gouvernance avec le.la principal.e de collège comme pilote, et deux représentant.e.s de la préfecture et de la collectivité locale, reposent aussi sur une contractualisation. L’inspection générale a rédigé un rapport en demi-teinte : « Le rythme et le calendrier […] des cités éducatives apparaissent […] difficilement tenables ». Le rapport critique parfois « la culture du résultat ». Les pratiques pédagogiques apparaissent en ligne de mire : « il est trop tôt pour mesurer des effets sur les résultats scolaires et sur l’évolution des pratiques pédagogiques des enseignant.e.s mais toutes les conditions sont réunies pour que de tels effets soient observables à court terme ». Or, la rentrée 2022 verrait le passage de 80 à 126 cités éducatives (annonces en décembre 2021). A rappeler dans l’académie, sont déjà créées les cités éducatives de Oyonnax-Bellignat, Givors-Grigny, Rillieux-la-Pape, Vaulx-en-Velin, Vénissieux-St Fons, Lyon 8ème et St Etienne).
Enfin, présentés comme le pendant rural des cités éducatives, les 24 Territoires éducatifs ruraux (TER), expérimentés depuis janvier 2021 dans les académies d’Amiens, Nancy-Metz et Normandie (TER : Qu’est-ce qu’un territoire éducatif rural ? - SNES-FSU), sont également étendus à cette rentrée aux académies de Dijon, Limoges, Besançon, Clermont-Ferrand, Toulouse, Rennes et Bordeaux. Ces 61 TER doivent « renforcer l’ambition scolaire des élèves » et lutter contre une forme de « censure » en ce qui concerne l’orientation. Mais le ministère n’envisage pas un seul instant des créations de postes de Psy-ÉN et des ouvertures de CIO, encore moins de rendre les postes supprimés dans les collèges et lycées. Proposer aux élèves, comme le demande le SNES-FSU, une carte de formations diversifiées et à proximité dans tous les secteurs même les plus enclavés est possible, mais il faut pour cela des moyens pour l’École publique !
Avec les CLA, TER et autres cités éducatives, la rentrée 2022 voit se multiplier les expérimentations de contractualisation d’établissements. Parallèlement, le ministère mène une campagne d’évaluation systématique des établissements de façon à contraindre ensuite leur contrat d’objectifs. Tout converge vers une politique de dérégulation de la gestion des établissements et des personnels, visant à contractualiser les moyens avec obligation de résultat et donc en culpabilisant les équipes qui ne parviendraient pas à les atteindre. Si cela ne suffisait pas, le CLA ouvre la porte de l’éducation prioritaire à l’enseignement privé sous contrat ! Six établissements (à Marseille, au Mans, à Nantes et à Roubaix) sont retenus sans qu’ils en aient les critères sociaux. Cette initiative du ministère est inacceptable car elle détourne, au profit d’un réseau privé confessionnel, des moyens jusqu’ici attribués au service public, seul réseau où l’école est gratuite et laïque et qui accueille tous les élèves sans distinction. Le SNES-FSU refuse ce démantèlement et appelle à une relance ambitieuse de l’Education Prioritaire !