Sénateur honoraire, D. Watrin a réalisé plusieurs études et rédigé des rapports sur les questions du grand âge et de la perte d’autonomie, questions dont Marylène Cahouet est en charge en tant que responsable nationale des retraité-e-s du SNES et de la FSU.
La pandémie a mis en lumière, une fois de plus, la situation catastrophique de la prise en charge de l’autonomie (maintien à domicile et établissements) tant pour les personnels que pour les usagers.
L’enjeu c’est la sécurisation de tous les âges de la vie, et on peut dire que les problèmes du grand âge sont un miroir de notre société.
Si la création de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) comme droit universel en 2000 a été une avancée, il n’y a eu depuis aucune nouvelle mesure qui constituerait un nouveau progrès. Les restes à charge résultant de la perte d’autonomie sont de plus en plus élevés (1800 euros en moyenne en France contre 200 euros en Suède et au Danemark).
L’espérance de vie ne progresse plus, et l’espérance de vie en bonne santé dans notre pays recule, et se situe en dessous de la moyenne européenne, 10 ans en dessous de celle des Suédois-e-s. Et les écarts entre les précaires et les cadres sont de 13 ans.
Les questions du grand âge sont donc liées à celles du travail, de la santé au travail, de la lutte contre la pauvreté et de la prévention. Avec la suppression des CHSCT (Commissions d’hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail), de nouveaux reculs sont à craindre dans le domaine de santé au travail.
C’est pourquoi elles doivent être traitées dans le cadre de notre système solidaire de Sécurité Sociale.
État des lieux et besoins
En EHPAD, le rapport soignants et ensemble des personnels/ soignés
- France 0.65/1
- Allemagne 1/1
- Pays scandinaves (Suède) 1.2 /1
Pour arriver à des chiffres satisfaisants (vers le 1/1) il faudrait créer 320 000 postes dans le secteur
Les constats que nous avons faits dans le Rhône (voir article de Marie Hélène, Patricia et Colette dans notre bulletin de janvier), montrent que les EHPAD privés sont 30 à 40 % plus chers que les EHPAD publics avec des prestations qui ne sont pas meilleures. Leur nombre progresse plus vite que les EHPAD publics car on a arrêté la construction de ces derniers : d’où la nécessité de faire campagne pour la construction d’EHPAD publics avec peut-être des structures mieux pensées (structures de logements indépendants avec un pôle médicalisé, structures mixtes avec des étudiants et des personnes âgées et des possibilités d’aides…). Les EHPAD adossés à des hôpitaux ont mieux affronté la crise de la Covid.
Les EHPAD à la campagne sont souvent beaucoup moins chers que les EHPAD des grandes villes en raison du prix du foncier (ce que nous avons constaté dans notre enquête en voyant bien la différence entre Rhône et Métropole)
Les aides à domicile :
Il y a deux fois plus d’aides à domicile que d’infirmier-e-s.
220 000 aides à domicile dépendent du secteur associatif
120 000 dépendent du secteur privé lucratif qui est en progression
700 à 900 000 travaillent de gré à gré sous la convention collective du particulier employeur, à temps partiel pour la plupart, soit 150 000 équivalents temps pleins environ.
40% seulement des aides à domicile ont une qualification.
A 90%, les personnels en charge de l’aide aux personnes âgées dépendantes en EHPAD, sont des femmes et pour l’aide à domicile, on arrive à 97%. Ce sont des métiers à bas salaires, pénibles, qui demandent une grande abnégation, sont souvent exercés à temps partiel, avec, pour les aides à domicile, des horaires morcelés et beaucoup de déplacements pas souvent pris en compte ni défrayés. Les personnels sont souvent peu qualifiés. De ce fait le métier est peu attractif et nombre d’associations de l’aide à domicile souffrent d’un manque d’effectifs fort préjudiciable pour les usagers.
Le prix de l’heure estimé est de 24, 24 € alors qu’il est souvent payé autour de 21,50 €. L’État est censé payer 50 % de la somme avec les collectivités (départements) mais en fait ne finance que 31 % au lieu de 50%, obligeant les collectivités à fournir les19% manquants, ce qu’elles ne font pas souvent car elles n’en ont plus les moyens suite à la suppression progressive de la taxe d’habitation non compensée par l’État qui les asphyxie encore un peu plus.
Il y a cependant certains départements - pas forcément les plus riches - qui rémunèrent les heures à un prix correct de 29,30 €. Il y a donc des batailles à mener sur ces questions et notamment pour les élections départementales
Le gouvernement a ‘créé’ 10 000 places de services civiques « solidarité senior ». Il faut se battre pour que ce soit des emplois réels d’aides à domicile.
Quelles propositions ?
Pour les aides à domicile et les personnels des EHPAD, il s’agit de créer un grand service public en unifiant les statuts, en revalorisant le métier pour arriver à une seule formation publique des aides à domiciles et des aides soignant-e-s dans les EHPAD
Cette unification permettrait :
- Une meilleure formation et une qualification qui se traduiraient par un statut dans le cadre de la Fonction Publique Hospitalière.
- Une possibilité de passer de l’EHPAD à l’aide à domicile
- Des possibilités de carrière plus diversifiée
- La clef étant la revalorisation salariale.
Ce service public mettrait fin aussi à l’émiettement des structures d’accompagnement à domicile. Il garantirait des droits aux personnels et la qualité des soins sur tout le territoire.
L’élection des administrateurs de la sécu serait rétablie, assurant ainsi un fonctionnement
Démocratique.
Mais le cœur du problème est le financement
Depuis 1945, 47 mesures ont déconnecté le financement de la Sécurité Sociale du lieu de création des richesses, qui en constituait le fondement, notamment en réduisant les cotisations patronales présentées comme des charges. (Voir l’article de Denise Bordes dans le bulletin du S1 retraités de 2020 Tout a été fait pour réduire la part ainsi prise sur les dividendes. La création de la CSG en 1991 par le gouvernement Rocard a été une étape décisive. Depuis 1997, l’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) corsette les dépenses de santé.
Aujourd’hui, le financement par les cotisations sociales représente moins de 50%, au profit de l’impôt. Sur un SMIC, un employeur ne paie plus que la cotisation retraite.
Il existe donc des marges énormes pour financer des dépenses nouvelles, et créer un grand service public de l’autonomie financé à 100% par la Sécurité Sociale :
- recentrer les exonérations de cotisations sociales sur les TPE et PME (mesure qui rapporterait des dizaines de milliards)
- mettre à contribution les revenus financiers (40 milliards
- lutter contre l’évasion fiscale
- lutter contre le chômage
- augmenter les salaires et assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
Mais les orientations du gouvernement actuel vont dans la direction opposée alors que la France a les moyens de mener une politique de protection sociale plus ambitieuse pour une société de tous les âges.