4 juillet 2023

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S.O.S. : LE BATEAU DE L’ÉDUCATION NATIONALE COULE !

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S.O.S. : LE BATEAU DE L'ÉDUCATION NATIONALE COULE !

Il y a exactement 70 ans les enfants des classes populaires, qui présentaient des capacités pour les études, rejoignaient, après un examen d’entrée en 6e qui leur accordait une « bourse d’État », la cohorte des enfants « bien nés », de familles riches, dans les lycées. 70 ans plus tard, après 36 ministres de l’É.N. qui se sont succédé dans la Ve République, plus de 50 si l’on compte les ministres délégués, (Allègre en 1977 avait eu besoin de S. Royal en technologie ; et en 2002 X. Darcos s’associait à 3 autres ministres C. Hagneray à la recherche, Ferry et Loos) et un grand nombre de secrétaires d’État, (3 pour Monory en 1986 ; pour Jospin en 1988 ; et pour Bayrou en 1995) ; bref 70 ans plus tard Pap Ndiaye propose de siphonner, dans les collèges les bons élèves de milieu modeste, de leur accorder une bourse d’études et de les envoyer dans les écoles privées sous contrat que l’É.N. subventionne déjà à hauteur de 80 %. Comment en est-on arrivé là ?
Le problème d’études pour tous et de mélange des classes sociales furent toujours des problèmes récurrents. Déjà en 1959, Berthoin, ministre de l’É.N., prolonge la scolarité jusqu’à 16 ans, les centres d’apprentissage deviennent des CET ; et après un cycle d’observation de 2 ans en CEG, certains enfants feront un cycle de 2 ans en CEG (4e et 3e) et d’autres 2 ans en technique. Il fallait des locaux ; et Paye en 1961 développe dans toute la France les collèges PAILLERON de sinistre mémoire. Il est navrant de voir qu’à la rentrée prochaine en 2023, 80 lycées professionnels, qui ne sont que la continuité de cette volonté de développer un enseignement pour tous, vont disparaître avec cette réforme Pap Ndiaye. Le ministre, qui n’a aucune idée de la formation et du travail des enseignants, veut recaser ceux-ci dans les collèges et les écoles primaires !
En 1975, R. Haby crée le collège unique mais la réforme n’interviendra quand 1977. Dans l’esprit de Haby il faut élever le niveau de formation, mais évidemment il se passe le contraire. Certains établissements ont des filières déguisées « les classes CAMIF » pour les très bons élèves ; et « les classes de fils de concierge », dans le 6e arrondissement de Lyon. Il existait des passages vers un CET, en fin de 5e, puis des classes de Transition, CPPN qui n’aboutissaient à rien. Savary, en 1981, continuera la réforme mais en donnant plus d’autonomie aux établissements et plus de travail aux enseignants qui doivent gérer en même temps des groupes homogènes et disparates, et instituera le TUTORAT. En 1978 Allègre veut « dégraisser le mammouth » et supprime le corps des professeurs titulaires remplaçants.
En 1989, L. Jospin propose la Loi d’orientation et d’éducation : l’éducation est organisée en fonction des élèves et les parents « entrent dans l’école ». Ce qui pourrait être merveilleux si les parents restaient dans leur rôle, conscients, comme le disait F. Dolto « qu’ils sont des murs et que jamais un enfant ne doit franchir ce mur, les bosses qu’il se fait contre ce mur l’aident à grandir ». Jospin crée aussi les IUFM qui doivent assurer une culture professionnelle commune à tous les enseignants. Puis chaque ministre de l’É.N. y est allé de ses modifications administratives, de ses arrêtés, de ses circulaires pour laisser son empreinte. Fillon en 2002 recule sur la réforme du baccalauréat et est obligé de retirer son projet « première embauche ».
En 2008, X. Darcos, devient pour la seconde fois ministre de l’É.N. Il veut « nettoyer les programmes » et opérer une réduction des postes d’enseignants, la contestation gagne la rue. Il introduit une langue dans le primaire, mais faute d’enseignants compétents, cette proposition est souvent inaboutie, et perdure aujourd’hui. Certains enfants de Savoie n’ont que 2 choix, entre l’arabe et l’espagnol ! Il supprime également le redoublement, qui coûte cher et qu’il juge inefficace.
En 2012, chacun s’alarme les différentes études PISA qui soulignent le recul de la France en matière d’éducation, placée au dernier rang des pays de l’OCDE. Le ministre de l’É.N., V. Peillon propose une nouvelle loi le 8 juillet 2013 et transforme les IUFM en ESPE, écoles intégrées au sein de l’université. Les programmes des classes de lycée sont transformés, avec un tronc commun et 2 groupes où chaque élève choisit une spécialité. Le ministre instaure aussi les classes de ZEP à 12 élèves, ce qui prive d’enseignants certaines petites villes de campagne et sa devise « plus de maîtres que d’élèves » sera un vœu pieux …
N. Vallaud-Belkacem, ministre de l’É.N. en 2014, supprime l’apprentissage des langues mortes en 6e et une seule heure en 5e. Il en est de même pour la 2e langue vivante, ce qui enverra à la recherche d’emploi beaucoup de professeurs de langue vivante.
M. Blanquer, arrivé en 2018, a été un véritable fossoyeur de l’É.N. : sa transformation du baccalauréat en comptoir de choix d’options, ce qui est facile, et où il suffit de travailler en Première et ses 2 options pour avoir son examen, même avec un 2 en philosophie est scandaleux ; et son Grand Oral est une vaste blague qui fera croire à chaque adolescent qu’il est apte à la fac, avec une dégringolade terrible à la clé !
Pap Ndiaye, nommé en 2023, est le digne successeur des fossoyeurs des ministres de l’É.N. : il veut avec le PACTE faire travailler plus les enseignants. Pourquoi ne pas l’envoyer, en stage dans un collège 3 mois. Une enseignante en français débute à Bac+5 avec un salaire de 2000 € par mois. Ses classes de 6e ont 3 niveaux : elle prépare une dictée pour les bons élèves, un texte à trous pour les moyens, et un texte à écouter pour les nuls. Cela lui demande 3 soucis de préparation et 3 de corrections ; comment faire pour travailler plus ? Après 19 ans d’enseignement, le point d’indice étant bloqué depuis 2010, un professeur certifié gagne moins qu’un éboueur lyonnais ! Beaucoup quittent le métier et l’on recrute sur LE BON COIN. Le ministre de la Fonction Publique, S. Guerini s’est fait vertement tancer le 14 juin dernier, car il voulait une augmentation du point d’indice pour les fonctionnaires de 1,5 %, soit 2,5 milliards. « C’est une dépense inutile car elle coûte des milliards pour un gain politique nul » ont déclaré ses collègues, B. Le Maire et G. Attal.
Beaucoup d’élèves traînent une dysorthographie récurrente depuis leur entrée en 6e. 27 % des CM2 n’ont pas le niveau en français et 1/3 en math. D’après les statistiques de l’É.N., sur 100 jeunes Français âgés de 16 à 25 ans, 11,2 % sont en grande difficulté d’élocution, 4,9 % ont des difficultés de vocabulaire et 5 % sont en situation d’illettrisme. Cette professeure en ESPE de Metz se plaignait récemment que ses élèves en Master 2 confondaient encore, eux futurs enseignants, le et conjonction de coordination et l’auxiliaire être, et le se pronom possessif avec le ce démonstratif, dans le mémoire de 10 pages qu’ils doivent présenter à l’oral.
Enfin je vous laisse méditer ce florilège écrit par le Directeur académique des services de l’É.N. de la Loire et adressé aux professeurs des écoles du département le 12 février 2021 : « Chaque candidat pourra solliciter un entretien, car il est intéressé pour un poste vacant à la rentrée 2022-2023. Le candidat classé rang 1 se verra proposé les postes vacants, 2 choix s’offre à lui, accepter l’un des postes ; être sollicité lorsqu’un poste de même nature se libéra ; l’agent qui obtiendra un poste à profil quel que soit l’affectation accepte la perte de son poste actuel. Quand aux enseignants non spécialisés qui souhaite enseigner …. Les enseignants ayant déposés un dossier ont intérêt à consulter le calendrier des opération. » Le Canard enchaîné, mars 2022.


Pierrette THISSE.