19 octobre 2022

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COMPTE RENDU DE NOTRE ENTRETIEN AVEC LE DOCTEUR SOPHIE FRANCIONI CHEF DE SERVICE DES SOINS PALLIATIFS A EDOUARD HERRIOT

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Lorsque nous avons pris contact avec elle pour solliciter une rencontre, le docteur Francioni a été sensible à l’attention que nous portions à la spécialité que sont les soins palliatifs et plus globalement à la place de la mort dans notre société.
Elle nous a ouvert les portes de son bureau au pavillon X de l’hôpital Herriot le lundi 21 mars 2021.

Dans l’histoire des soins palliatifs le docteur Francioni retiendra au cours de l’entretien trois dates décisives pour la prise en compte nationale de ces soins spécifiques

  • 1999 où les soins palliatifs et l’accompagnement deviennent une priorité de santé publique.
  • 2002 la loi relative au droit des malades qui affirme que toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. La prise en charge de cette dernière deviendra un critère de qualité pour l’hôpital.
  • 2005 -2006-la loi Léonetti-Claeys qui, rappelant la dimension éthique propre à l’acte de soigner, renforce les droits du malade en fin de vie par le droit au refus de l’obstination déraisonnable, le droit à l’apaisement de la souffrance, l’existence de directives anticipées, la désignation d’une personne de confiance .
    La plus importante modification apportée par la loi en 2006 concerne la sédation profonde et continue sur laquelle nous reviendrons dans l’entretien.

Après avoir souligné que les soins palliatifs sont reconnus au niveau des hospices civils de lyon et qu’ils bénéficient d’une attention particulière,
Madame Francioni évoquera leur existence et la façon dont ils sont structurés tant sur le plan national que régional.

1/ Il existe sur Lyon 2 grands services de soins palliatifs :
- LYON SUD ET NORD : hôpital de la Croix-rousse, hôpital Lyon Sud, Les Massues relevant de la Croix Rouge
- LYON EST ET CENTRE avec notamment l’hôpital Edouard Herriot et Les Charpennes.

2/ L’ hôpital compte 3 niveaux de soins palliatifs avec une gradation de prise en charge :

A) une hospitalisation conventionnelle normale pour des patients dont le cas est peu complexe. Ces patients, qui peuvent se retrouver dans différents services, bénéficient d’une équipe spécifique se déplaçant au sein des services .

B) Lorsque le cas est plus complexe il existe des lits identifiés de soins palliatifs avec une équipe dédiée à ces soins et mobilisée pour la prise en charge.

C) Enfin des Unités de soins palliatifs pour des situations complexes de douleur, d’anxiété, ou de complexité au niveau social et familial .

-Il existe donc des équipes mobiles internes à l’hôpital qui interviennent aux deux premiers niveaux.
-Mais aussi des équipes mobiles externalisées qui se déplacent au domicile et en Ehpad. Elles sont, en nombre et en personnels, nettement insuffisantes.

Nous aborderons les moyens accordés aux soins palliatifs.

Même si l’hôpital Edouard Herriot connaît de plutôt bonnes conditions, la dotation en personnel correspond à 80% de l’effectif souhaité .
Les chiffres sont les suivants : sur 12 lits en journée, l’hôpital dispose de :

  • 1 infirmier pour 6 personnes.
  • 1 aide soignant pour 6 personnes.
  • 2 médecins dont l’un en formation.
  • 1 psychologue
  • 1 psycho-motricienne.
  • 1 musicothérapeute
  • 1 kinésithérapeute.

Ce sont surtout les équipes mobiles qui sont sous dotées.
3 médecins, 1 infirmière, 1 psychologue, constituent l’équipe interne à l’hôpital Herriot , laquelle n’a pas l’autorisation d’intervenir à l’extérieur.
Ce sont Lyon-sud et les Massues qui assurent les interventions extérieures mais avec un nombre d’équipes nettement insuffisant.

Or les soins palliatifs sont, avec la tendance à privilégier le maintien à domicile , en pleine mutation. Il s’agit de développer ces soins à l’extérieur de l’hôpital à domicile et dans les Ehpad .
La population vieillit . C’est donc un enjeu de société .

26 départements ne disposent d’aucun soin palliatif . Madame Francioni évoque le cas du Mans où elle était précédemment et où le service a fermé. Les soins palliatifs en Ehpad en sont à leur premier balbutiement et on improvise faute de pouvoir dispenser de véritables soins.

Par ailleurs l’accent doit être mis sur la formation. Travailler en soins palliatif nécessite une expertise . Or dans les facultés, les jeunes futurs médecins préfèrent guérir que soigner et mésestiment cette formation .

C’est un travail d’endurance, explique Sophie Francioni que de faire connaître l’ intérêt de ces soins palliatifs ; encore qu’il y ait des progrès puisque , au moment où est réalisé cet entretien, 3 étudiants en médecine participent à l’équipe d’Hérriot, situation inédite jusque là.

Le docteur Friancioni nous rappellera les valeurs qui sous-tendent les soins palliatifs

  • D’abord et avant tout l’humanité.
  • Le respect de l’autonomie des patients. Etre attentif à leur autonomie physique : ne pas placer trop de perfusions de manière à ce que la personne puisse se déplacer, manger seule, assurer ses besoins .
    Il faut aussi ménager l’autonomie psychique : doser les prescriptions pour soulager mais ne pas provoquer une somnolence continue.
  • Personnaliser l’approche : chaque cas est différent et l’équipe veille à s’adapter en étant toujours au plus près du patient.

    Sophie Francioni insistera au cours de l’entretien sur l’éthique de la prise en charge mais aussi sur l importance de la réflexion dans un travail collégial pour élaborer la démarche de soins, sa mise en œuvre, son réajustement, si nécessaire. Toute décision se prend de façon collégiale en interdisciplinarité, mais le patient et son entourage sont aussi sollicités.
    Ce travail collectif est un garde-fou.Il permet de mesurer l’intentionnalité de ce que l’on fait.
    Des Psychologues interviennent aussi bien auprès de la famille que de l’équipe soignante. Des groupes de parole sont organisés pour évoquer la façon de gérer ses émotions mais aussi pour travailler ensemble sur les situations auxquelles l’équipe est confrontée.
    Depuis le covid il a été mis en place une consultation spécifique pour les personnels en présence d’un psychologue.

Nous aborderons enfin la sédation longue cet continue .

Nous évoquons devant le docteur Francioni les restrictions fortes de L’Association du Droit à Mourir dans la Dignité à l’encontre de cette pratique de la sédation longue et continue, jugée par cette association comme problématique, notamment quant à sa durée.

Pour le docteur Francioni qui parle au nom de sa pratique quotidienne, la sédation profonde correspond à une façon de traiter la mort avec humanité .
D’abord et avant tout on privilégie la suppression de la douleur. A ce propos elle expliquera que l’arrêt de l’hydratation n’est pas, comme on a pu l’entendre ici ou là, douloureuse. Au contraire l’hydratation peut encombrer le patient, lui donner des oedèmes.
Si l’on est au bout de « l’arsenal thérapeutique », l’impératif est de soulager le patient. « C’est le patient qui est la boussole » .

« L’humanité -nous dira Sophie Francioni -ce n’est pas donner la mort à quelqu’un, c’est respecter le cheminement de la vie jusqu’à la fin » .

Autre garde-fou, la notion de court terme. On ne sédate que quelques heures et quelques jours.
L’enjeu est de préparer la famille, de rassurer, d’expliquer. A partir du moment où on supprime les symptômes, la douleur, où on dénoue les tensions nées de la complexité de la situation familiale, les choses sont notablement apaisées.

Selon le docteur Francioni le problème ne réside pas dans l’ insuffisance de la loi mais plutôt dans le fait qu’elle est insuffisamment appliquée.
Ainsi les Directives anticipées font -elles partie de ce qui, dans la loi Leonetti, est mal connue . La désignation de la personne de confiance, porte-parole du patient trouve davantage d’écho, d’autant que c’est un critère de qualité de l’hôpital.

Pour Sophie Francioni L’urgence est que soient donnés les moyens aux soins palliatifs de remplir leurs missions : il faut davantage d’unités de soins et d’équipes mobiles intervenant à domicile et dans les Ehpads. L’urgence, insiste-t-elle ,est aussi de former à cette expertise que nécessite le soin palliatif.

Nous avons eu la chance de rencontrer une femme médecin pleine d’humanité, personnellement engagée dans un métier difficile et qui a bien voulu nous accorder de son temps pour répondre à toutes nos questions et interrogations.
Nous garderons en mémoire une des dernières phrases qu ‘elle a prononcée :
« Je fais ce métier non pas pour guérir mais pour soigner ».


Genevieve Guerrini, Colette Deleplace, Denise Bordes