Des enseignants sous contrôle continu !
Après avoir supprimé l’horizon commun que constituaient les épreuves nationales du bac, le minis-tère veut maintenant cadrer dans les lycées le contrôle continu avec un « projet local d’évaluation » pour « conforter l’égalité de traitement des élèves » et « harmoniser les pratiques d’évaluation ». Nou-velle usine à gaz et redoutable carcan pour nos métiers !
Harmoniser les évaluations est un objectif légitime lorsqu’il s’agit du baccalauréat et des épreuves terminales. Cependant, nous nous trouvons dans une impasse pédagogique lorsqu’il s’agit du contrôle continu : la confusion entre évaluations formative et certificative engendrée par le contrôle continu nous conduirait à standardiser une évaluation, qui, par nature, ne peut pas l’être puisqu’elle est pensée par les concepteurs de nos enseignements et les experts pédagogiques que nous sommes, au sein de nos classes, en fonction de nos progressions et de nos élèves, pour arriver à une évaluation finale, nationale... qui a disparu : avec la disparition des épreuves terminales dans la majorité des disciplines disparaît l’étalon qui nous permettait de noter tout au long de l’année en ayant la référence de l’évaluation de candidats au bac provenant de lycées très différents.
En outre, l’harmonisation éventuelle est restreinte à l’établissement et ne résout pas la question des disparités entre lycées, du creusement des inégalités entre établissements et de l’instauration d’un diplôme local.
Il est donc urgent de nous saisir de ces réunions sur le temps de travail et d’en faire un espace de discussion pour échanger entre collègues autour de l’évaluation même si cela ne résoudra pas tous les problèmes posés par la place immense laissée au contrôle continu dans le nouveau bac et la disparition du diplôme national.
Les objectifs ministériels :
Quelques extraits de la circulaire officielle
« Cette réflexion permet d’élaborer au sein de chaque établissement un cadre réfléchi et organisé au sein de l’équipe pour l’évaluation des élèves, formalisé par un projet d’évaluation pour l’établissement partagé à l’échelle de la communauté éducative. Ce travail collégial aboutit à la définition de principes communs, garants de l’égalité entre les candidats, tout en conservant les marges d’autonomie indispensables pour respecter la progression pédagogique adaptée à chaque classe ou groupe d’élèves. »
« Cette élaboration collective permet à chaque professeur de construire avec ses pairs une démarche concertée, de partager l’expertise issue de sa pratique professionnelle et ainsi d’apporter sa contribution à la définition commune du cadre dans lequel il inscrira ensuite sa pratique d’évaluation. Cette démarche permet d’enrichir le collectif des réflexions nées de l’exercice de la liberté pédagogique, dont la signification et la portée ont été précisées par la loi d’orientation du 23 avril 2005, dont l’article 48 a été codifié à l’article L.912-1-1 du Code de l’éducation. »
« L’harmonisation des pratiques d’évaluation peut notamment s’appuyer sur les instructions et guides d’évaluation produits par les corps d’inspection, les programmes officiels, la définition des épreuves du baccalauréat, et les grilles d’évaluation. »
Le guide de l’évaluation de l’Inspection générale publié le 10 septembre détaille par disciplines sur 94 pages les consignes de l’inspection. Le préambule sur 5 pages donne la ligne générale et est particulièrement prescriptif.
https://eduscol.education.fr/2688/n...
Le point de vue du Snes-FSU
Rappelons que seuls s’imposent l’obligation d’évaluer et le cadre des programmes. Pour tout ce qui relève
d’une évaluation des apprentissages au quotidien, les enseignants restent et doivent rester maîtres. Car la liberté pédagogique est inscrite dans la loi ! Une note de service ou un guide sur Eduscol n’ont pas la force normative de textes réglementaires.
Faut-il participer à ces réunions ?
- en pratique, elles ne sont pas une initiative locale mais figurent dans la note de service du 28 juillet parue au BO (2A) :NOR : MENE2121270N Note de service du 28-7-2021 MENJS - DGESCO A2-1
Les conseils d’enseignement font partie des obligations de services des personnels. Cependant pour être considérés comme tels, ils doivent se tenir sous la direction du chef d’établissement ou son adjoint. Si l’on a cours à ces moments de la journée, on a l’obligation d’être dans l’établissement et d’assister à cette réunion. Si vous ne pouvez pas assister à ces réunions pour des raisons personnelles ou professionnelles autres, il est conseillé d’en avertir la direction.
Cas des collègues en service dans plusieurs établissements : vous ne pouvez pas assister à toutes les réunions ; le message sur Pronote doit vous permettre de justifier votre absence auprès d’un autre établissement où vous auriez cours simultanément
- Par ailleurs, à titre syndical, le SNES-FSU estime qu’il faut s’emparer de ces réunions pour faire entendre notre voix et faire respecter notre expertise de l’évaluation.
Suite à l’intervention du SNES-FSU au CSE (conseil supérieur de l’éducation) le DGESCO (directeur général de l’enseignement scolaire) confirme que le guide des IG sur l’évaluation au bac est un outil de ressources pédagogiques, rien de plus. Pour le SNES-FSU, l’impératif est de ne rien se laisser imposer.
Le Code de l’éducation, dans son article L912-1-1, garantit notre liberté pédagogique et souligne que l’évaluation est l’apanage des enseignants. Il faut donc refuser toute prescription sur le nombre et le type de devoirs, leur modalité ou leur périodicité : d’où que viennent les pressions, il nous faut nous en protéger collectivement.
A cela s’ajoutent des difficultés pratiques dont le MEN semble peu se soucier : Le rattrapage des évaluations et la prise en compte dans le contrôle continu des aménagements pour compenser le handicap poseront des problèmes d’organisation compte tenu des réalités très contraintes de la « vraie vie » des établissements (emplois du temps, disponibilité des salles, mobilisation de la vie scolaire…). En aucun cas, cela ne doit induire de nouvelles charges sur les professeurs et la vie scolaire.
Comment agir ?
- Au moment de la rédaction du PLE, il faudra veiller à rester le plus possible dans les généralités, sans quantifier quoi que ce soit, et en s’appuyant sur ce qui se fait déjà dans le lycée, et en rappelant la primauté de la liberté pédagogique.
- Refuser toute modification du Règlement intérieur (par un vote au CA) au prétexte de prendre en compte le projet d’évaluation : cela reviendrait à faire valider ce projet par le CA, ce qui n’est pas du tout prévu dans les textes. De la même manière, il faut refuser l’intégration au projet d’établissement. Aucun texte réglementaire ne prescrit de modifier le Règlement intérieur ou le projet d’établissement en fonction du projet d’évaluation.
- Le Conseil Pédagogique (dont le rôle n’est que consultatif) et le Conseil d’administration n’ont aucune autorité pour imposer des pratiques pédagogiques ou d’évaluation, fussent-elles collectives. Le passage au contrôle continu des disciplines du tronc commun n’y change rien.
- En CA, présenter une motion qui explique les dangers des PLE en en expliquant aussi les conséquences délétères aux parents et aux élèves. Un exemple de motion est disponible ci dessous.
Pour comprendre les enjeux et vous accompagner, le SNES-FSU a élaboré son guide syndical face au projet local d’évaluation qui peut devenir un redoutable carcan pour nos métiers. Il est disponible en une sur le site du Snes-FSU : https://www.snes.edu/article/contro...